Que vous apporte la participation à un concours international ?

J’aime beaucoup prendre part à ce type d’événement, mais plutôt pour la préparation en elle-même. Cela me permet d’intégrer profondément beaucoup de répertoire, de me plonger complètement dans l’univers des compositeurs que j’étudie, de chercher comment progresser, se dépasser et repousser ses limites chaque jour, ou encore d’avoir une rectitude de vie et d’apprendre à organiser son temps… Une vraie école de vie !

C’était la troisième fois que je participais à un concours international. J’essaie toujours d’être prêt à jouer au moins quelques semaines avant le début des épreuves et c’est cette période qui est la plus riche : chaque jour, il faut se demander comment aller encore plus profondément dans chaque œuvre, comment toucher le public, comment rendre fluides les difficultés techniques, ou encore comment enrichir le  sous-texte. C’est un tournoiement d’interrogations qui pousse à renouveler sans cesse ses techniques de travail ainsi que son rapport au violoncelle et à la musique en général. 
J’essaie aussi d’élargir mes recherches à plusieurs formes d’art afin de posséder un imaginaire proche de celui des compositeurs que j’interprète. Cela passe par l’étude de peintures, sculptures, par la lecture de romans ou traités. Toute cette préparation constitue donc un enrichissement personnel immense.

Quels sont les mauvais côtés des concours ?

Je pense que l’envie de se comparer à d’autres musiciens, tous aussi originaux et talentueux, n’est pas épanouissante. Notre désir de compétition nous éloigne de l’essence même de la musique ; le partage de chefs-d’œuvre et de notre monde intérieur avec le public constitue un but beaucoup plus important en tant qu’artiste.


Quels ont été les temps forts de ce séjour en Amérique du Sud ?

Pendant ces dix jours au Chili, j’ai vécu de nombreux moments intenses qui resteront toute ma vie gravés dans ma mémoire. 
Par exemple, la finale m’a profondément marqué – j’y ai joué le Concerto Op. 129 de Schumann avec l’Orquesta Filarmonica de Region Valparaiso. C’était la première fois que je jouais ce concerto avec orchestre et l’émotion que l’on ressent dès les premiers accords puis l’essoufflement psychologique et romantique du premier thème m’ont immédiatement plongé dans un récit fou. La salle immense et le public chaleureux et bienveillant créait une atmosphère très particulière et stimulante. Je crois avoir réussi à partager ce que je ressentais en jouant car j’ai senti que les gens étaient touchés par cette musique. Ce fut vraiment un magnifique concert, un instant d’échange magique. 
D’autres moments très variés furent incroyables : vivre un tremblement de terre, faire son marché aux poissons entourés de lions de mer et de pélicans, ou encore écouter du Michael Jackson en marchant sur la plage au bord du Pacifique…


Quels sont les liens qui se tissent avec les concurrents pendant un concours ?

Être à 11 000 kilomètres et à 14h30 d’avion de tous ses repères habituels crée des liens très spéciaux. Nous étions dix-sept candidats (peut-on parler de candidats ?) du monde entier à nous retrouver à Viña del Mar et c’était l’aventure pour la plupart.
Je n’ai jamais ressenti un véritable esprit de compétition de la part de ces personnes mais simplement de la sympathie, de la générosité et une grande amitié. Nous partagions tous les jours nos repas, allions parfois nous écouter mutuellement, résolvions les petits problèmes techniques de pas de vis d’archet cassé ou de cordes abîmées, avec l’unique volonté de passer des moments agréables ensemble.

Et le Chili ?

Je n’ai eu qu’un jour de libre pour visiter Valparaiso, la ville jouxtant Viña del Mar. J’ai été très touché par la présence à la finale du Consul de France au Chili Quentin Sonneville, qui a eu l’extrême bonté de m’organiser une visite guidée et de m’accueillir chez lui pour déguster la spécialité chilienne : le vin et le poisson tout juste pêché. Valparaiso est une ville très colorée, vivante et surprenante. Les petites collines sur lesquelles nous nous sommes promenés laissaient apparaître une vue splendide sur toute la côte pacifique. Les petites maisons en tôle colorée font de ce lieu un petit coin de paradis très serein et agréable à vivre. 


Bien que les concours ne soient pas un but en soi, cela permet d’apprendre beaucoup sur sa personnalité. Je découvre que j’aime plus que tout être sur scène pour pouvoir transmettre du bonheur aux personnes qui m’écoutent. 

Toute cette aventure me pousse à penser qu’avec l’état d’esprit approprié, il serait extrêmement bénéfique pour tout musicien de participer à des concours. On en ressort gagnant dès le moment où l’on déchiffre les œuvres à interpréter, alors lancez-vous !

Journal « Le Violoncelle », No. 63