Le Centre de Musique de Chambre de Paris présente jusqu’au 30 mars sa dernière série de la saison 2018-2019, une reprise du spectacle « Souvenir de Tchaïkovski ». Créé en janvier 2016 au cours de la première saison du Centre, le spectacle renaît avec de nouveaux interprètes (excepté le violoniste Shuichi Okada), toujours sous les regards attentifs de Jérôme Pernoo, directeur artistique du Centre et metteur en espace.


Le « Souvenir de Tchaïkovsk
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 met l’accent sur l’histoire d’une relation singulière entre un compositeur et sa protectrice artistique, ou « mécène » en terme actuel : Madame von Meck. Elle a soutenu Tchaïkovski pendant près de quinze ans, sans jamais vouloir le rencontrer. Leurs échanges épistolaires, commencé en 1877, révèlent une intimité platonique digne d’un roman. Au début de l’année 1890, Tchaïkovski séjournait à Florence, en Italie, pour la composition de l’opéra La Dame de Pique. Le séjour était offert par Madame von Meck. Un soir, à l’opéra, leurs regards se croisent, ils se reconnaissent mais s’évitent soigneusement. Durant l’été de la même année, Tchaïkovski compose sa dernière partition de musique de chambre, un sextuor à cordes qu’il intitule en français « Souvenir de Florence ». De quel souvenir il s’agit ? Dans chaque mouvement — la passion fiévreuse de l’« Allegro » initial, la mélodie infiniment tendre et nostalgique de l’« Adagio cantabile e con moto », l’agitation frénétique et quelque peu inquiétante de l’ « Allegretto moderato » et le rythme vif du finale — l’ombre de la riche veuve plane… Dans ce sextuor, Shuichi Okada et Verena Chen (violons), Manuel Vioque-Judde et Mathis Rochat (altos), Caroline Sypnewski et Jérémy Garbarg (violoncelles) se déplacent au grès de rythmes et de mélodies interprétés dans différentes combinaisons d’instruments. Les violoncellistes jouent parfois debout ou même en marchant ! Mais ces mouvements de musiciens révèlent l’écriture de Tchaïkovski, c’est une sorte de transposition chorégraphique de la partition. Ainsi, lorsqu’un instrument est sur le devant de la scène, c’est pour mieux faire ressortir un motif ou un thème. Cette mise en espace imaginée par Jérôme Pernoo permet ainsi de saisir plus clairement l’idée de Tchaïkovski. Quant à la performance des jeunes musiciens, elle est tout simplement remarquable. Chacun est diligent au moindre détail et de leur écoute mutuelle naît une unité et une profondeur comme il s’agissait d’une formation permanente de longue date.


La relation insolite entre le compositeur et sa bienfaitrice est également évoquée à travers quelques-unes de leurs lettres et des œuvres de Tchaïkovski : « Au coin du feu » extraits des Saisons et Barcarolle en piano solo par Gaspard Dehaene (qui tient toute la partie du piano de la soirée), trois Romances (op. 38 n° 2, 3, 6) par la soprano Anara Khassenova, Pezzo Capriccioso par le violoncelliste Jérémy Garbarg. Anara Khassenova et Gaspard Dehaene jouent les deux protagonistes ; elle écrit et dépose sur le piano ses lettres qu’il lit. Les deux premières mélodies qu’ils interprètent ensemble sont mises en musique sur des poèmes d’Alexeï Tolstoï, envoyé par la veuve au compositeur. Anara Khassenova possède une voix de velours à timbre chaud, voire charnel, et ses expressions sont justes. Elle a déjà montré son magnifique talent dans les Lieder de R. Strauss en janvier dernier et nos attentes n’ont été aucunement trahies. Le jeu de Gaspard Dehaene est délicat et élégant, marqué par une grande finesse aussi bien dans les pièces solos que dans les mélodies, créant un beau contraste avec la voix.

Si les répétitions de chaque spectacle sont intenses et parfois épuisantes, quelle merveilleuse formation reçoivent ces jeunes musiciens à l’aube de leur carrière ! Ils vont sans aucun doute faire rayonner l’excellence de cette « école » unique en France et peut-être au monde.

Prochaines dates

« Souvenir de Tchaïkovski » : jeudi, vendredi et samedi jusqu’au 30 mars à 21 h, précédé d’un quatuor Razumovski de Beethoven (avec les fameux thèmes russes) par le Quatuor Akilone à 19 h 30. Visitez également l’exposition virtuelle sur le spectacle

« Freshly composed » : séance de 10 mn avant le spectacle où un(e) jeune compositeur(trice) joue sa propre œuvre.

« Bœuf de chambre » – clôture de la saison : 6 avril à 19 h 30

Pour sa 5e saison 2019-2020, le Centre de la musique de chambre de Paris a lancé une campagne de financement participatif pour l’objectif de 40 000 € avant le 7 avril. Pour en savoir plus.

Photos © Dimitri Scapolan

Toute-la-culture, Souvenir de Tchaïkovski au Centre de Musique de Chambre de Paris, Victoria Okada